Xavier Rèche, « Sans gravité », 2013

Comme le Baron de Münchhausen empoigne sa tresse, pour se hisser lui et son
cheval, hors de l’étang où ils sont sur le point de se noyer, l’homme présomptueux
voudrait se saisir de lui-même et s’installer – métaphoriquement – au-dessus de la
bataille.
Dans son effort pour s’arracher au sol, il érige une nacelle imaginaire – sans
connexion visible des parties qui la constituent, sans l’aide d’aucune ficelle. L’instant
d’un regard, il est comme suspendu, puis il commence à flotter dans un mouvement
de dispersion. C’est le moment tragique où le temps reprend son cours et précipite les
effets dans les causes.
L’effort désespéré pour se maintenir en l’air raidit le corps de l’homme présomptueux
et lui donne maintenant la contenance d’une volée de bois sec.
Sur son visage se lit une colère sans gravité…
Les structures autotendantes que je réalise depuis peu et qui m’ont inspiré cette fable
s’inspirent de travaux d’architectes des année 70. Ayant découvert à Nantes, lors
d’une promenade, une de ces structures cachée derrière le muret d’un jardin (un
ensemble de gros tuteurs magiquement suspendus d’où pendaient de lourdes
courgettes), j’en ai recherché l’origine et les principes sur des sites Internet. J’ ai
commencé récemment à en construire.
Ces objets consistent en la distribution équilibrée de tensions et de compressions
dans un ensemble de câbles et de tiges rigides. Il existe quelques configurations de
base qu’il est possible de combiner et de moduler. Leur aspect principal – et l’origine
de la séduction qu’elles exercent – tient à l’effet de suspension et de flottement des
éléments qui la composent. Outre les fils discrets qui semblent à peine en retenir les
membres, d’invisibles forces paraissent maintenir la solidité de l’ensemble que les
puissantes tensions internes menacent de disloquer.
Pour celui qui les fabrique, la fragilité des équilibres est tout à fait réelle pendant le
montage. Le mauvais déplacement d’un tendeur suffit à détruire instantanément le
système. Il est possible de se blesser lors de la construction de grands modèles
(fractures et coupures diverses, mutilation peut-être). Dans leur élégance s’escamote
tout un travail de patience, ses tensions douloureuses et ses retours cinglants de
bâtons et de câbles. Ce jeu de contraction et ces dangers potentiels m’inspirent
autant que le déploiement illusionniste et aérien de ces structures. J’en explore
également les possibilités et tente de restituer dans mes compositions cette violence
en suspens.
Cependant, à la différence de l’homme présomptueux, je n’envisage pas pour moi de
retombées prochaines.

Xavier Rèche , avril 2013

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« La poétique diplopique d’une étoile double », Catherine Pomparat

 

 

« Approchez-vous d’une étoile et vous voilà au soleil. Ne vous en approchez donc que si vous avez l’âme
(et le corps) assez humide, que si vous disposez d’une certaine provision de larmes, si vous pouvez supporter une certaine déshydratation (momentanée) : cela vous sera revalu. En pluie apaisante. »
Francis Ponge, Le soleil placé en abîme, Pièces, Gallimard, Poésie, 1962, p. 152

« Eh bien voilà, dit Boustrophédon en entrant dans le salon de musique, c’est là que ça se passe ! » Son regard circulaire balaie l’espace et semble à la fois trouver et chercher encore une chose à la fois visible et invisible.
The Thing to Do serait d’écouter les formes du silence mais le son profond de la trompette de Blue Mitchell répand un flux de tonalités binaires dont la chaude intensité ne peut pas être dominée. Poursuivre la lecture

« Xavier Rèche : Bouillir &. » Christophe Massé

Pièce d'ébullition10

«  J’ai connu des vaisseaux faits avec des arbres morts qui survivaient à des vies d’hommes taillés dans la meilleure étoffe de vie. » Hermann Melville.
Improduction/introductivité.

Aujourd’hui empruntant le petit chemin qui traverse le faubourg, nous nous rendons chez le répliquant. Je dis nous pourtant je suis tout seul. Nous : l’autre et moi. L’autre, celui qui fait de moi dans la chevauchée vers des histoires ; un qui s’intéresse. Alter ego, âme damnée.

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« A l’infini », Delphine Costedoat

GrillesCages9« L’espace, dans son infinie densité, détient enchâssées en lui toutes les possibilités. C’est un trou noir, la mesure fondamentale. Développer un concept nécessite de se frayer un chemin à partir de ce trou.
Chaque fil conducteur a sa propre histoire – nous pouvons la tenir à l’écart ou l’étirer ou la plier à notre créativité. Quoi que nous fassions, le fil conducteur conservera son mystère irrésolu, son caractère irrationnel demeurant une intrigue insoluble. Et ce fil est un négatif, un concentré de cette matrice totale fondamentale.
»
Cecil Balmond, Informal, éd. Prestel, 2002

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